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dimanche 5 février 2012

L’INDE ET SES VILLAGES, HISTOIRE RÉCENTE ET RÉALITÉ D'AUJOURD'HUI !

CHÈRES AMIES, CHERS AMIS,



Comment ne pas penser au Mahatma Gandhi - je l'appelle ci-après Gandhiji en marque de respect - lorsque l’on évoque le sujet : l’Inde et ses villages. À ce jour, près des trois quarts de la population indienne vit encore en zone rurale. Gandhiji rêvait d’une économique alternative propre aux populations rurales. Nous avons beaucoup parlé en son temps de son initiative « un foyer, un rouet », une image pour prétendre, voire affirmer qu’il était possible d’organiser une activité de production artisanale dans chaque village indien. Mais sa proposition qu’il voulut ériger en modèle socio-économique n’a guère été suivie. Elle est tombée peu à peu dans l’oubli après son assassinat le 30 janvier 1948, ses camarades de libération, tous citadins, ainsi que la grande industrie dans son élan d’après-guerre mondiale qui s'en suivit, s’étant chargés de balayer ce rêve de l’Inde rurale. Et pour faire un bond vers chez nous, de plus de 6 décennies, je dirais qu’aujourd’hui, entre les partisans de l’urbanisation et ceux qui prônent une adaptation de l’offre de travail aux habitants de la campagne, le conflit d’idées est impitoyable, aiguisé, tranchant. D’un côté l’économie au pouvoir associée à la volonté de participer à la course des grandes puissances – faire partie des plus grands de ce monde en terme de PIB, pouvoir intérieur brut "mondial" – et de l’autre, l’approche plus nuancée d’une sorte de contre-pouvoir à l’économie mondiale qui souhaite privilégier la décentralisation de l’économie en incluant dans le processus de production les régions rurales, y compris les zones très éloignées.



Cette guéguerre me paraît sans fin, peut-être d’ailleurs a-t-elle eu un réel commencement, tant les conditions de vie des citadins et des villageois, si opposées les unes des autres, ont changé et changent encore et toujours dans le concert des politiques économiques nationales et internationales. Le sujet de ce blog n’est pas d’apporter une réponse à une telle controverse, mais plutôt de voir comment les villages peuvent vivre dans la société du 21ième siècle ! Plutôt, pour être plus modeste encore, comment les villages que j’ai traversés ces dernières années, et ceux que je viens de visiter dans les Sunderbans, peuvent m’inspirer pour me préparer, un jour peut-être, à répondre à une telle question !



Tout d’abord avant cela, rappelons que l’Inde compte plus de 600'000 villages, dont plus de 45'000 dans l’Etat du Bihar – avec le Jharkhand - et plus de 40'000 dans les Etats du Bengale occidental comme dans celui du Rajasthan ! Je vous cite ces 3 régions car nous y travaillons. Certes, ce pays compte plus d’un milliard et 200 millions d’habitants chiffrés lors de son dernier recensement; mais il demeure inconcevable sans ses villages, car ceux-ci sont un échantillon représentatif de la vie indienne, une empreinte indélébile de son histoire, une matrice qui imprime toute une civilisation que les partisans de l’urbanisation ne sauraient nier.



Ce n’est sans doute pas le millier de villages que j’ai traversés au cours de ces 15 dernières années qui me permettront d’émettre un avis objectif sur ce que le rapport « ville – campagne » aura comme incidence sur la vie de la société indienne ! Toutefois, j’ose me laisser dire que l’histoire et la géographie de ce pays ne peuvent ignorer que l’exode rural de ces dernières décennies n’est de loin pas un exemple d’intégration dans ce grand mouvement intérieur des populations. Faut-il aussi rappeler que la sur-croissance des bidonvilles vient de là ; et que les « démontages » de ceux-ci dans nombres de grandes villes se sont traduits par des déportations vers les campagnes, une sorte d’exode à l’envers, cette fois-ci forcé par la volonté politique !



Dans les villages des Sunderbans que je visite actuellement, je vois les inégalités qui existent par rapport aux zones urbaines ; taux de mortalité infantile supérieur, manque chronique d’infrastructures en matière de santé, planning familial presque inexistant, contrôle aléatoire de l’autosuffisance alimentaire, système éducatif et suivi scolaire désuets, etc… C’est bien la raison pour laquelle « Ecoles de la Terre », comme d’autres organisations, œuvrent dans ces domaines. Contre la mauvaise fortune de l’évolution économique et sociale contemporaine, la population de ces villages s’organise et prend en compte toute opportunité qui peut s’offrir à elle. Preuve en est par notre expérience vécue, sa volonté de participer à l’éducation de ses enfants et son engagement déterminé dans un processus de développement micro-économique à travers notre programme de micro-crédit.



Considérant l’importance du milieu rural en Inde, j’ai à cœur de dire ici, que le développement socio-économique de ce pays passe aussi par ses campagnes; dans ses villages qui n’attendent qu’à combler le grand retard qui les tient loin du développement raisonnable du 21ème siècle que ses habitants connaissent par les médias qui les ont bien sûr touchés. Les inégalités demeurent profondes ; elles ont trait à la pauvreté, à l’analphabétisme, à la condition des femmes, à l’injuste répartition des terres, etc… Ces inégalités s’estomperont, pour ces millions de familles rurales, par une semence d’unité sociale partant d’une volonté politique déterminée et juste, balayée de sa corruption qui subsiste à bien des échelons du pouvoir en place.



Chères Amies, Chers Amis, ce message est un coup de cœur en faveur des villages de l’Inde éternelle que j’apprécie au plus haut point. Je vous souhaite le meilleur dans le froid qui vous habite dans cet Occident, aujourd'hui emporté par l'hiver, et que j’aime aussi. Avec mes plus chaleureuses pensées.



Martial Salamolard pour ECOLES DE LA TERRE

Notes sur les photos : les 3 premiers clichés de Gandhiji sont tirés du website www.ilovindia.com et les 5 suivants sont d'Ecoles de la Terre, février 2012

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