Chères Amies, Chers Amis,
En cette fin de séjour, j'ai le plaisir et l'avantage
de retracer ici les faits marquants et quelques moments particuliers vécus depuis la
mi-janvier, de même que les actions importantes, peut-être décisives, menées sur
le terrain d'Ecoles de la Terre au cours de ce premier trimestre 2014.
Le Reportage du Magazine
l'Illustré. Le 16 janvier 2014 nous
quittions Genève pour atterrir à Calcutta le 17 au petit matin. Participaient à
cette expédition, Christian Rappaz, journaliste à l'Illustré,
Christian Lutz,
photographe, Rachel
Philippoz, membre d'Ecoles de la Terre, ainsi que le soussigné. Nous
disposions de 7 jours afin de visiter deux Branches d'Ecoles de la Terre, celle du
Bengale et celle du Bihar.
Nous avons vécu une semaine pleine, des jours sans
fin, parsemés de mille et une rencontres et tant de sujets nouveaux. Christian
Rappaz allait tisser la toile d'un reportage poignant et saisissant
pour le magazine "Illustré". Vous le trouvez dans son tirage N° 11 du
12 mars dernier ou sur son website à l'adresse www.illustre.ch (demandez via Google : Illustré et Ecoles de la Terre). Ou encore sur nos pages "Facebook" et tout
prochainement sur notre site internet www.ecolesdelaterre.ch. Riche d'un
"Edito" émouvant que Michel Jeanneret, rédacteur en chef, nous a
gratifié, ce reportage est une reconnaissance marquante que j'apprécie au plus
haut point; c'est encore et surtout une carte de visite qu'Ecoles de la Terre
ne manquera pas de mettre en avant tout au long des jours et mois qui viennent
afin que ce moment de gratitude ne finisse pas dans le panier des gloires
éphémères.
L'entame du traditionnel
circuit. En fin de journée du 23
janvier, Christian Rappaz et Christian Lutz s'envolaient pour la Suisse. Rachel
restait au Bihar afin d'exercer ses talents d'enseignante et je partais à
nouveau pour Calcutta
et les Îles Sunderbans afin de passer plus de temps dans les écoles.
Oui, passer plus de temps dans les écoles, mais pourquoi donc ! Pour revoir les
enfants et leurs enseignants; pour travailler les programmes en cours avec Nando, le responsable, et ses collaborateurs; pour discuter, négocier et préparer la mise en place des nouveaux
projets; tout cela comme un refrain que j'entonnais le 24 janvier pour la dix
septième fois depuis la "fécondation" d'Ecoles de la Terre, en novembre
1997. Elle est belle la vie; surtout lorsque chaque jour, chaque mois, chaque
année, elle recommence, pareille et différente à la fois !
La tournée, les visites,
les voyages. Ecoles de la Terre
travaille dans 3 Etats de l'Inde subcontinentale [le
Bengale Occidental, le Bihar et le Rajasthan] et 2 grandes métropoles [Calcutta
et Delhi]. À priori, nous ne pouvons pas
dire que nous avons choisi la facilité si l'on considère la distance maximale
entre nos deux écoles les plus éloignées. En effet, entre Sunbeam, au village -
bidonville de Garfoorbattha, notre école du Rajasthan située au Nord Ouest et
Bubhaneswari, sur l'île des Sundarbans de l'Ouest Bengale portant le même nom et située au Centre Est, nous comptons plus de 2'200 kilomètres
par la route. Parcourir cette distance en voiture et en moins de 50 heures
relèverait d'un impossible exploit; si, tenant compte des arrêts et du sommeil
indispensable, vous multipliez ce chiffre par 2 pour parcourir cette distance,
alors vous aurez réalisé une réelle performance que je ne vous
conseillerai en aucun cas de tenter. C'est donc le train que je vous
conseillerai de choisir pour parcourir une telle distance; à moins que vous
trouviez, pour une partie du voyage, un ou deux vols internes à moindre prix.
C'est au cours de nos multiples rencontres et visites
que nous avons décidé, au fil du temps, de soutenir les enfants et les familles
de telle ou telle région. À notre arrivée sur sol indien, en 1997,
nous nous rendions déjà dans les îles Sundarbans et prenions en charge le
fonctionnement des premières écoles en collaboration avec d'autres ONG
indiennes. Pour le Bihar, notre implication date de l'année 2000;
pour le Rajasthan,
de l'année 2005.
Depuis lors, nous n'avons jamais quitté ces lieux et avons
toujours développé les structures mises en place.
Au cours de ce séjour 2014, comme
toutes les autres années, je me suis rendu dans l'Etat de l'Ouest
Bengale, dans les îles Sundarbans [bourgade
de Raidighi, îles de Bhubaneswari, de
Purba Jata, de Kultali et de Ganga Sagar]; à Calcutta;
dans l'Etat du Bihar [villes de Gaya, de Bodhgaya et de Dehri-On-Sone,
villages de Pacchatti, de Baiju Bigha, d'Itra, de Bandha, de Manjibigha, de
Baheradi de de Nain Bigha]; à Delhi;
dans l'Etat du Rajasthan, [ville de Jaisalmer
et village de Garfoorbattha] et dans le désert du Thar dans les villages de Rataria Ki Dhani, de Gala Ki Dhani et de Meharajot].
C'est
comme une "ritournelle", un refrain au son des klaxons routiers et
des sirènes ferroviaires que j'entame ma tournée des écoles, à chaque fois avec
le même bonheur, celui de retrouver les enfants, les enseignants, les parents,
les habitants, les adeptes et les sympathisants d'Ecoles de la Terre ! C'est une romance que je
partage avec les collaborateurs indiens, les membres et volontaires d'Ecoles de
la Terre qui se trouvent sur place. Durant ce séjour, j'aurai travaillé avec Rachel Philippoz, Saviana Francioso et Marie Coudray Salamolard. Parfois, nous faisons le même bout de chemin, parfois nous nous
croisons; toujours nous nous plaisons à nous retrouver, dans une gare bourrée
de gens qui vont, qui viennent, sur une place bondée de milliers de gazouillis,
dans nos écoles pleines de couleurs et de bruits d'enfants ! Nous sommes en
Inde, un pays à forte densité, comptant près d'un milliard et 300 millions
d'habitants et de surcroît turbulent et fortement coloré ! "Bref de
trèfle", c'est ainsi, qu'au cours de ce premier trimestre, j'aurai à
plusieurs reprises, sur la route, sur les rails et dans les airs, visité toutes
nos écoles, nos centres d'apprentissage, nos unités médicales, nos
dispensaires, nos centres de micro crédits et nos bureaux; des milliers et des
milliers de kilomètres...
Les "chantiers" d'ordre matériel.
Près de 6000 élèves et apprentis, 160
enseignants, collaborateurs du micro crédit, employés de bureau et chauffeurs, plus
de 8000 prêts accordés aux mères de famille, des dizaines de milliers de
contrôles et traitements médicaux assurés annuellement, cela nécessite bien sûr
une maintenance et un suivi continus, un fonctionnement quotidien à assurer
coûte que coûte; c'est notre tâche quasi journalière, notre devoir de soin, de
précaution et de service !
En
plus de cela, il y a ce que nous pourrions appeler "les nouveaux chantiers",
les plans à mettre sur pied, les projets à lancer et à contrôler. C'est de cela
dont je veux vous parler en cette fin d'éphéméride. Au cours de chacun de nos
séjours, j'ai la charge, avec les autres membres d'Ecoles de la Terre présents,
de même que certains bénévoles, de faire un point de situation, de dresser une
sorte d'état des lieux; puis de déterminer et décider ce qu'il y a de nouveau à
concevoir, en terme de projets, d'amélioration ou de correction.
Compte
tenu du haut degré de pauvreté qui caractérise les populations et les lieux où
nous travaillons, les besoins en la matière ne manquent pas. Si l'on
additionne le fait que nos ressources financières sont faibles et limitées, vous comprendrez que
cette tâche est ardue et nécessite des plans d'action précis et échelonnés dans
le temps. Le principe de "priorité" prend ainsi tout son sens. C'est
la dure loi qui frappe toute démarche, toute conduite, toute entreprise
humanitaire de ce type ! Je ne manquerai pas d'ajouter, avant de passer aux
"grands chantiers" l'obstacle que représente l'éloignement
géographique. En effet, Ecoles de la Terre n'a pas pour vocation de travailler
dans les grands centres faciles d'accès. La plupart de nos écoles se trouvent
en "zone éloignée", dans des îles pour les Sundarbans, au Bengale, en
pleine campagne pour le Bihar et dans le désert pour le Rajasthan ! C'est là
que les besoins sont manifestes et urgents; c'est là aussi que la présence
d'organisations de soutien se fait rare, voire inexistante !
La question de l'eau.
L'impossibilité d'accès à une eau de qualité pour une bonne partie de notre
population [Ecoles de la Terre] nous a amené à développer un véritable
programme de purification. Grâce à la "Fondation Cédric Martin" de Genève,
qui nous sensibilise et nous informe sur ce sujet depuis de nombreuses années,
nous sommes à même d'entreprendre dès cette année la construction de
"stations de purification" à l'intention des écoles et des villages.
Nous commençons ces travaux dans les îles Sundarbans [Ouest Bengale] et construirons
dès ce printemps 2014 deux stations de purification; la première près de
l'école de Purba
Jata, qui fournira quotidiennement l'eau potable pour notre écoles
et les huit petits villages environnants; la deuxième près de notre nouveau
centre d'apprentissage de Raidighi, qui pourvoira aux besoins d'eau
potable les bénéficiaires du centre, le bourg de Raidighi et une dizaine de
petits villages et quartiers voisins. Notre souhait est d'analyser les points
d'eau dominants de nos écoles et de planifier au cours de ces prochaines années la
mise en place de stations partout où les besoins sont impérieux. En Inde, où
l'eau s'est revêtue d'une puissance purificatrice, il n'est pas facile de
sensibiliser les gens sur les dangers d'une consommation immodérée et
imprudente.
La question des latrines.
Ce sujet n'a peut-être plus l'air de rien dans nos sociétés ultra modernes et
sophistiquées. J'ai entendu par-ci par-là cette question; pourquoi l'Inde
compte davantage de téléphones [près de 70% de la population] que de toilettes
[moins de 50%] ? Oui, plus de la moitié de la population indienne n'a pas accès
à des sanitaires de base. Il s'agit là d'un sujet criard que nous
souhaitons traiter au plus vite. Notre premier souci est de sensibiliser la
population sur ce sujet et lui faire connaître les inconvénients de la
défécation dans la nature. C'est toute la question de l'hygiène qui est posée
ici; trop de personnes continuent à éliminer sans précautions d'hygiène les
excrétas des enfants et se lavent ensuite les mains dans des conditions pour le
moins "non hygiéniques". Est directement liée à cette question, celle
de la gestion des déchets solides et liquides. Si vous visitez l'Inde vous
aurez peut-être l'occasion d'utiliser des toilettes publiques, quand il y en a; et
vous aurez vite compris l'ampleur du problème ! Ne parlant que de nos écoles,
nous devons bien admettre que nos latrines sont des plus rudimentaires et
n'assurent pas toujours le minimum d'hygiène
requis. D'un point de vue pratique la situation est particulièrement délicate
pour les filles. Nous devons entreprendre des travaux conséquents pour
améliorer les équipements sanitaires afin d'encourager une utilisation durable
des nouvelles installations. La question qui nous est posée maintenant est celle de
savoir s'il nous faut poursuivre avec le système des "toilettes à
eau" ou au contraire opter pour le développement d'un système de
"toilettes à sec" ou "toilettes à compost" ! Cette question
mérite d'être posée.
La question des bâtiments d'école.
Ecoles de la Terre est propriétaire de la majorité de ses bâtiments d'école
qu'elle a construit dans le cadre de projets sponsorisés. Dans les autres cas,
elle est au bénéfice d'une sorte de droit d'usage lui assurant légalement un
droit d'habitation aussi longtemps qu'elle exerce ses activités liées à la
scolarisation et à l'apprentissage. La plupart de nos écoles ont été construites
au début des années 2000 et nécessitent aujourd'hui certaines réparations
conséquentes, notamment en ce qui concerne les toitures et les sols. Ces
derniers seront intégralement réparés au cours de ce printemps. Ces travaux
sont rendus nécessaires du fait que nous avons récemment lancé notre action
"bancs et pupitres". En effet, nous voulons que nos élèves se
présentent chaque matin en sachant qu'ils disposent désormais d'un pupitre et
n'étudient plus en position "assis par terre" comme c'est encore trop
souvent le cas dans les écoles indiennes. Nous nous sommes d'ailleurs rendus
compte que nous pouvions recevoir davantage d'enfants avec ce nouveau système
d'équipement lorsque l'agencement est correctement organisé. D'ici cet été
2014, la totalités des élèves de notre branche du Bihar [près de 3000]
disposeront ainsi de bancs et de pupitres. Cette action est presque terminée pour nos écoles du Bengale grâce à l'engagement de Rachel Philippoz. Elle se poursuivra au Rajasthan dans la foulée. Au
cours de 2015, toutes nos classes devraient bénéficier de ce nouveau type d'agencement.
Les autres améliorations programmées.
Tout ce qui peut consister à améliorer les conditions de vie de nos élèves doit
être envisagé. Nous sommes attentifs à un certain nombre d'autres aspects tels
qu'alimentaire et/ou vestimentaire. Nous soutenons certaines familles trop
pauvres pour assurer une alimentation correcte à leurs enfants. Une bonne
partie des élèves portent déjà un uniforme scolaire et nous veillerons dans un
proche avenir à ce que toutes nos classes en soient pourvues.
Les "chantiers" d'ordre structurel.
Je
me réfère principalement à notre dernier "National Meeting" des 9 et
10 mars derniers, rencontre à l'échelle des "branches indiennes" -
Bengale, Bihar, Delhi, Rajasthan -, pour évoquer ici les grandes lignes de
notre organisation et de notre gestion. Inscrite dans le registre des sociétés
indiennes à but social et non lucratif "under Societes Registration Act
(XXI) sous le N° S/48804/2007 et sous le nom de "Ecoles de la Terre
Welfare Society", nous fonctionnons de façon légale et sommes soumis aux
règles du gouvernement indien en la matière. Chaque année, arrêtée au 31 mars -
qui correspond à la fin de l'exercice scolaire -, nous remettons au département
compétent du ministère des affaires intérieurs de l'Inde, à Delhi, un "audit"
effectué par un organe fiduciaire et comptable indépendant et agréé par les
autorités. Ledit audit a pour objet l'expertise de la tenue des comptes de
l'organisation par un organe neutre. Il représente pour nous un gage de contrôle
des plus importants, puisqu'il vise à rapporter sur la qualité et la rigueur de
notre gestion comptable et financière.
Au
cours de ce meeting, nous sommes arrivés à la conclusion que notre
"société" devait se doter d'un "président directeur
général" - CEO ou chief executive officer. Notre choix s'est porté sur
Rajesh Kumar, l'un de nos actuels responsables de secteur; ce choix qui représente pour nous deux
avantages non négligeables; le premier, est celui de pouvoir compter sur une
personne qui connaît déjà notre organisation; le deuxième, est de ne pas grever
notre budget déjà fort limité.
Notre vision de l'ensemble.
Des milliers d'enfants, des dizaines d'écoles et centres d'apprentissage, plus
de 150 enseignants et employés, des milliers de mères de familles associées à
un programme de petits crédits, des programmes liés à la santé, à l'hygiène et
à l'eau, tout cela dans différents Etats indiens, forts de leurs propres
cultures et pratiques socio-économiques, aguerris de leur propre histoire et
doctrine politique, tout cela représente un beau challenge visant la
collaboration et la cohésion ! Tous les responsables des régions - Îles
Sundarbans, Calcutta, Bihar, Delhi et Rajasthan - sont unanimes pour dire que
cette vision d'ensemble "Ecoles de la Terre" est d'une extrême
importance et doit être discutée à chaque rencontre. C'est ainsi que nous avons
décidé de porter l'accent pour les mois qui viennent sur un certain nombre de
sujets à l'échelle nationale que je vous présente brièvement ci-dessous. Un
rapport quadrimestre impliquant toutes nos branches d'activités en Inde sera
rédigé et distribué dès le début mai de cette année 2014.
Le contrôle budgétaire à l'échelle globale.
Tout d'abord nous voulons "prévoir" afin de pouvoir toujours mieux
maîtriser nos coûts dans le futur. Ensuite, nous voulons "budgéter"
de façon à établir un rapport entre les objectifs que nous fixons et les
moyens que nous devons déployer pour les atteindre. Le budget doit devenir pour
nous un instrument de gestion essentiel en rapport aux besoins toujours plus
grands [amélioration des acquis, ouverture de nouvelles écoles et centres,
développement de nouveaux programmes]. Enfin, nous voulons "contrôler"
afin de pouvoir analyser les écarts et projeter nos marges d'autofinancement.
Le développement du micro crédit.
Nous sommes en directe ligne du point précédent. Un objectif prioritaire pour
Ecoles de la Terre est celui de l'autofinancement des dépenses de fonctionnement
de ses programmes d'éducation, d'hygiène et de santé. Dans ce but,
l'intégralité des bénéfices des opérations de micro crédit est destinée à
financer ces coûts. En cela nous sommes une entreprise; et toute humanitaire
qu'elle est, seule une telle approche de gestion peut nous assurer la pérennité
de notre action. Ce sujet est débattu lors de chaque meeting et représente un
objectif vital que je m'efforce de détailler auprès de chaque responsable
d'Ecoles de la Terre Welfare Society.
Le développement du "fundraising" en Inde.
Comment générer en Inde nos propres revenus ? Cette question est à la fois
récurrente et toujours plus urgente. Elle fut mise clairement sur la table lors
de notre dernier meeting des 9 et 10 mars derniers; un projet d'appel aux dons est mis
actuellement sur pied. J'ai bon espoir qu'à fin 2014 de substantielles
ressources viendront s'ajouter à nos bénéfices réalisés dans notre programme de
micro crédit. L'autofinancement en Inde est à ce prix.
L'accent porté sur l'apprentissage et/ou la
formation professionnelle. Dans le cadre du suivi scolaire, nous
arrivons vite à la conclusion qu'il faut développer ce secteur pour le moins
flou et étrangement structuré dans le système "éducatif" indien !
Observer ce qui se passe en Inde, à la lumière du modèle suisse d'apprentissage
relèverait d'un casse-tête chinois ! En Inde, le propre des entreprises n'est
pas de proposer l'apprentissage aux jeunes. La formation en général, et
l'apprentissage en particulier, ne font l'objet d'aucune unité nationale, voire
locale [à l'échelle des Etats]; ce qui revient à dire qu'il n'y a aucune
certification officielle comme c'est le cas en Suisse. Le chômage des jeunes [les
moins de 25 ans représentent plus de la moitié de la population - environ 60%]
reste très important en Inde, et ce malgré la forte croissance économique de
ces dernières années; et les filles sont encore davantage affectées par ce
phénomène. C'est la principale raison pour laquelle Ecoles de la Terre a
ouvert, depuis plusieurs années déjà, des centres d'apprentissage au Bihar. En Inde, l'offre de formation n'est pas du
tout adaptée aux besoins du marché; comme elle n'est nullement structurée, sa
qualité laisse à désirer. Cette situation touche davantage les jeunes
socialement défavorisés, à commencer par les filles. Nous voyons bien dans ce
cas précis que l'accès à l'éducation et à l'emploi n'est pas perçu comme une
priorité. Cette seule constatation nous invite à repenser, voire reconsidérer, notre
programme "apprentissage" dans le but de le systématiser à
l'intention de tous nos élèves, y-compris les garçons. Former les jeunes
en Inde n'est donc pas une mince affaire, loin s'en faut. C'est donc avec
satisfaction que nous suivons l'initiative de "SWISS VET Initiative
India" qui vise à intégrer l'économie privée dans la formation
professionnelle [Initiative IFFP - Institut Fédéral des Hautes Etudes en
Formation Professionnelle - www.ehb-schweiz.ch]. Nous avons également noté la
coopération en matière de formation professionnelle lancée en 2008 par l'Office
fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT); le but est
de former des enseignants en formation professionnelle et des formateurs en entreprise.
L'amélioration des conditions salariales des
enseignants et des employés. Si nous
considérons le revenu brut moyen par habitant [données 2012, méthode Atlas de
la Banque mondiale, 128 dollars mensuel ou 7'680 roupies indiennes; 1'536
dollars annuel ou 92'160 roupies indiennes], nous observons que nous nous
situons en dessous de cette "limite". Nous souhaitons relever le
niveau de rémunération de nos enseignants et employés, à commencer par les plus bas
salaires. Les limites de notre budget explique à lui seul notre lente
progression sur l'échelle des salaires. À l'heure où les ratés de l'école
publique indienne menacent l'avenir de millions d'enfants [voir le journal Le
Monde du 26 février 2014], les indiens,
surtout les riches, sont de plus en plus nombreux à payer pour envoyer leurs
enfants à l'école. Le paradoxe, l'inertie, l'hypocrisie et la corruption
frappent de plein fouet le système éducatif indien; ce n'est pas d'aujourd'hui
bien entendu ! Les enseignants, au pouvoir d'achat parfois 10 fois supérieur à
la moyenne du revenu brut, ne sont pas à leur vraie place et s'illustrent par
leur taux d'absentéisme; les performances ne sont pas récompensées et dans
beaucoup trop de cas les élèves passent automatiquement en classe supérieure,
quelque soit leur résultat.
Nous
évoluons dans ce concert tourbillonnant et déconcertant du système éducatif
indien et devons faire face aux besoins des élèves et des enseignants, sans
parler des familles. Nous avons la chance de pouvoir compter dans toutes nos
branches d'activité [Sundarbans, Calcutta, Bihar, Delhi, Rajasthan] sur des
groupes d'enseignants généreux et solidaires. Notre volonté d'améliorer les
conditions de rémunération ne représente donc qu'un "juste retour des
choses" pour l'ensemble de nos professeurs.
Avec
mes meilleures pensées et mes sincères remerciements pour l'attention que vous
nous portez.
Martial
Salamolard pour ECOLES DE LA TERRE
Nos
deux prochaines parutions :
1.
"L'Eau et la Santé, ce couple indissociable"
2.
"Le Microcrédit ou le rôle des mères de famille"
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