Ce carnet n'est pas un
arrêt sur images; il y en a bien-sûr tant et plus. Certaines d'entre elles ont
pris la forme de souvenirs présents ravivant les consciences dans de gris
bidonvilles ou sur des chaussées de campagnes; d'autres se manifestent sur des
routes ensablées d'un désert animé ou serpentent le long de mangroves d'un
estuaire accidenté.
L'Inde progresse à pas
de géant avec l'indulgence d'une démocratie débonnaire et la persistance de paradoxes
multiséculaires. L'énorme sub-continent d'Asie résiste aux pressions étouffantes
d'une mondialisation qui semble aujourd'hui vouloir tout renverser sur son
passage ! La culture propre à ses entrailles rurales, où les fermiers et les
cultivateurs ont conservé l'esprit terrien d'une paysannerie rustique, saisit à
bras le cœur mon penchant campagnard qui me fait rêver de cette partie du monde
guettée par un ouragan de brutales mutations déclenchées par le dragon économique
contemporain.
Alors que fais-je dans
ce concert bouleversant de traditions ancestrales qui se heurtent aux poussées
modernes voulant pulvériser les rêves et les rites millénaires pour installer
un système de valeurs imprégné de technique et de rationalisme démesurés; un
système de valeurs prêt à se vider de ses traditions et de son mystère ! Mais
oui, que fais-je dans ce monde qui se veut hyper tourné vers le tout homogène
de la globalisation !
Et bien, je participe à
la vie quotidienne de l'Inde éternelle, donnant un peu de mon temps, disons le
tiers de chacune de mes années depuis 20 ans, à l'éducation de ses enfants les
plus nécessiteux, dans quelques unes de ses grandes régions du nord-ouest et du
nord-est.
Je me rends tout d'abord
en amont de l'estuaire du Gange, dans les îles et les presqu'îles des
Sundarbans; un peu plus au nord, à quelques 150 kilomètres je m'arrête dans des
bidonvilles de Calcutta. Poursuivant mon chemin de 500 kilomètres environ,
toujours vers le nord, je fais escale au Bihar, un Etat indien pauvre et avant
tout rural. Dans la même direction je me dirige vers Delhi et ses bidonvilles,
1'000 kilomètres plus loin. Une dernière étape me conduira au nord-ouest de
l'Inde, le Rajasthan, à 900 kilomètres de la capitale indienne.
Ce qui me faisait dire aux
enseignants et aux plus grands élèves d'Ecoles de la Terre lors de nos
rencontres annuelles d'avril dernier, que parmi notre trentaine d'écoles et
centres de formation indiens, nos deux établissements les plus éloignés [l'école
de Nabakishalay des îles Sundarbans du Bengale et celle d'Uttam Aadarsh dans le
désert du Thar au Rajasthan] sont distants de plus de 2'500 kilomètres !
À l'occasion de ce
carnet de voyage qui ressemble fort à un carnet de route, je me propose de vous
arrêter un petit instant dans l'Etat du Bihar, lieu de l'une de mes étapes de
ce séjour 2016; précisément dans le village d'Itra où se trouve notre plus
grande école, celle de Camijuli.
UN
EXEMPLE DE COMPLEXE SCOLAIRE POUR ECOLES DE LA TERRE
L'école de Camijuli a
ouvert ses portes en début d'année 2001 avec 250 élèves, un contingent qui n'a
cessé de croître au fil des ans, pour atteindre aujourd'hui en 2016 un nombre
de plus de 1'100 élèves. Camijuli accueille les enfants de 13 villages de la
région d'Itra dans le district de Gaya de l'Etat du Bihar.
Depuis l'année 2012, les
enfants des classes maternelles et enfantines se retrouvent dans deux
établissements qui font office de satellite pour les plus jeunes élèves. Nous
avons inauguré ces deux nouvelles unités scolaires dans les villages périphériques
de Bandha et de Manjibigha dans le but de décharger le bâtiment principal de
Camijuli. L'ouverture d'un troisième satellite est actuellement à l'étude.
Notre intention est aussi de raccourcir les distances entre l'école et les
maisons familiales pour les plus jeunes enfants.
Les 13 villages de
Camijuli ont pour noms, Bagekap, Baijandi, Bandha, Guri, Hasanpur, Itra,
Jikatia, Karanti, Manjibigha, Pachanma, Piprahia, Sovabigha et Tirekha; leurs
appellations chantent dans la campagne du Bihar comme des bouquets de poésie
qui chaque jour se dressent le long des mille et un sentiers de l'éducation !
Pour ECOLES DE LA TERRE
- Mai 2016