L’eau
salée ne
manque bien évidemment pas dans les archipels des Sundarbans du Bengale indien
et du Bengladesh. Elle se fait plutôt menaçante dans les circonstances
climatiques que le monde entier doit certainement connaître. Le réchauffement, que
d’aucuns prédisent persistant et croissant tout au long de ce siècle, laisse
même craindre le pire, je veux dire l’immersion d’une partie de ce paradis
sauvage !
J’en
ai déjà parlé au cours de ces dernières années mais je ne peux pas ne pas y
revenir ne serait-ce qu’un instant, à titre de rappel. Certaines îles du sud,
très exposées à l’appétit
vorace de l’Océan indien, ont été immergées et vidées de leurs
habitants ; d’autres risquent de devoir suivre ce processus naturel
inquiétant.
Il
s’agit bien d'une question d’équilibre entre l’eau de mer salée et l’eau
douce propre à la consommation
quotidienne des familles. Si l’eau est par nature une ressource abondante en
termes de volume, je dois par contre préciser que sur la totalité de
l’hydrosphère planétaire, l’eau de mer salée représente le 97,5% de ce volume
et l’eau douce 2,5% ; voilà le constat à la fois simple et quelque peu
terrifiant.
Il
y a comme une sorte de paradoxe de l’eau qui
rôde tout autour de ces terres des Sundarbans classées au patrimoine mondial de
l’humanité. L’eau dite douce est indispensable à la vie et l’eau salée, toute
proche, l’est tout autant pour l’équilibre « Terre – Mer » de notre
écosystème. Le problème est que parfois l’une, et c’est malheureusement presque toujours
l’eau salée, prend le dessus sur l’autre dans des zones dites sensibles. De
mauvaises conditions météorologiques peuvent venir renverser le cours normal
des choses et détruire les cultures de toute une région. Parlons d’un tsunami
si le pire advenait !
C’est
ce qui se passe parfois dans les Sundarbans. Après le passage d’un ouragan ou d’un typhon,
un genre de phénomène pas si rare ici, les cultures en croissance peuvent être
détruites en un rien de temps ; je dirais même deux fois rien ! Une
source d’eau douce peut subitement devenir impropre à la consommation, parce
qu’insuffisamment protégée ou alors beaucoup trop exposée à la surface du sol.
Afin
de parer à ces inconvénients très fréquents en périodes de grosses pluies ou de
mousson, il a fallu prévoir des systèmes d’accès à l’eau potable et des solutions de conservation et de stockage.
C’est en quelque sorte un cycle de l’eau potable qu’il s’agit de gérer. Mais, toutes
les sociétés n’ont pas les mêmes moyens économiques pour créer les conditions
d’accès à l’eau potable, puis de les conserver, voire les préserver !
C’est
comme un défi qui nous est lancé par la nature
et les conditions climatiques qui nous sont imposées ici. Face à cette
situation que nous connaissons depuis bientôt 10 ans dans les régions de nos
écoles, nous avons opté pour la solution des puits, une variante parmi d’autres,
telles que la récupération des eaux de pluie, le traitement des eaux
ruisselantes et de surface, la désalinisation de l’eau salée, voire d’autres.
La récupération des eaux des nappes souterraines est donc la solution que nous avons
retenue ; je dirais la solution "par la force des choses", cette
pratique ayant cours en ces lieux. Chacune de nos écoles est au bénéfice d’un
puits foré tout près des bâtiments.
Et
puis vient le soutien de la Fondation Cédric Martin de Puplinge, à Genève.
Dans notre rapport du 11 avril 2014, à la suite de notre séjour qui venait de
s’achever en Inde, nous écrivions ce qui suit. « L’impossibilité d’accès à
une eau de qualité pour une bonne partie de notre population nous a amené à
développer un véritable programme de purification.
Grâce
à la Fondation Cédric Martin qui nous sensibilise et nous informe sur ce sujet
depuis de nombreuses années, nous sommes à même d’entreprendre, fort de son
soutien financier, la construction de stations de purification à l’intention
des écoles et des villages d’Ecoles de la Terre ….. ».
Et
aujourd’hui vient l’heure d’un premier bilan, positif, encourageant,
enthousiasmant même. Comme prévu il y a une année, 2 stations ont été
construites et fonctionnent aujourd’hui parfaitement, pour le plus grand
bonheur des élèves de leurs familles et des autres habitants vivant aux
alentours de ce nouveau point d’eau géré par nos soins.
Au
courant de l’été 2014, notre
station de Sreefaltala purifiait ses premiers litres d’eau ; depuis
décembre dernier celle de Purba Jata lui emboîtait le seau. Je ne reviendrai
pas ici sur les étapes techniques de la purification
proprement dite. Je l’ai déjà fait au cours de nos blogs 2014 consacré à ce sujet ;
cependant, je le referai certainement à l’occasion d’une présentation future
dans le but de préciser quelques points et en rappeler d’autres.
Je
souhaite plutôt vous parler ici des conséquences qu’une telle "révolution"
a retenti sur
la vie des familles. Elles sont nombreuses ; elles sont de
caractère biologique, psychologique et économique aussi. D’une capacité de
traitement de l’ordre de 2000 litres d’eau à l’heure, nos machines peuvent
ainsi satisfaire aux besoins de tous les habitants, sans restriction de
quantité. Il va sans dire que l’eau traitée et purifiée est destinée à la
consommation domestique des ménages ; son utilisation concernera donc l’eau
à boire, "drinking water" et l’eau nécessaire à la gestion alimentaire
des familles.
D’un
point de vue biologique, nous sommes intéressés à déterminer l’effet que
l’absorption d’une eau dorénavant pure peut avoir sur la santé des personnes.
Il est bien sûr un peu tôt pour en tirer les premières conclusions ; avec
notre service de santé, nous avons déjà fixé quelques critères d’analyse afin
de voir quel est l’impact sur l’amélioration de la santé de nos élèves ainsi
que des membres de leurs familles.
D’un
point de vue psychologique, nous avons tous observé l’effet positif sur le
moral des habitants qui n’ont de cesse de louer les bienfaits d’une eau pure et
son absorption sans arrière-pensée ni souci du lendemain. Ce que nous
considérons comme une "valeur ajoutée" à nos programmes d’éducation,
d’hygiène et de santé, ne peut dans un avenir proche qu’inciter les familles à
s’investir davantage encore dans ces programmes, les programmes d’Ecoles de la
Terre.
D’un
point de vue économique, cette nouvelle structure engendrera bien
évidemment un surcroît de charges opérationnelles qu’il s’agira de gérer dans
un futur proche. Notre staff a déjà organisé une série de meetings d’information
à l’intention des familles afin de les sensibiliser sur cet aspect des choses
et les inviter à prendre en charge la maintenance des stations de traitement,
leurs stations de traitement !
Pour
ce qui concerne nos
2 premières machines, les résultats sont pour le moins
encourageants. Un compte bancaire a été ouvert pour assurer la maintenance des
stations d’épuration. Chaque mois, chaque famille participe ainsi à l’approvisionnement
du compte. Nous allons pouvoir nous auto-gérer et assurer ainsi la continuité !
Associés
à l’ensemble de nos interventions en faveur des familles les plus pauvres de
cette région des Sundarbans, ce nouveau programme "Eau" représente
pour nous un
effet conjugué qui doit pouvoir « multiplier »
ce que nous faisons déjà. Il apporte une
plus-value en matière d’hygiène et de santé, un sujet d’action concrète auquel
nous tenons au plus haut point !
Et
puis le
soudain avenir 2015 sonne déjà à
notre porte, comme un présent promis pour les mois qui viennent ! Je veux
vous parler de la suite du projet « Eau » 2015. Trois stations de
purification d’eau sont ainsi au programme et verront le jour grâce à la Fondation Cédric Martin !
La
première est en phase de construction à notre centre de Raidhigi, la bourgade
où nous gérons notre bureau central Ecoles de la Terre pour les Sundarbans.
Nous construisons en ce moment un bâtiment qui organisera une série d’activités
pour les femmes de la région. Espace de micro crédit, salles d’apprentissage,
ateliers de fabrications sont prévus dans ce nouveau complexe. Une station de
purification d’eau est prévue pour desservir ses participants et
tous les habitants environnants.
Deux
autres constructions de
« Water Treatment Plants », telles que nous les appelons ici, « stations de traitement de l'eau », sortiront de terre au cours de cette année 2015 ;
tout d’abord celle de Naba Kishalay, notre école du village de Sonatikari sur l’île de Kultali ;
ensuite celle de Purba Bubhaneswari, notre école la plus lointaine sur l’île de
Bhubaneswari.
J’aurai
l’occasion dans un tout prochain blog de vous présenter à nouveau toutes nos
écoles des Sundarbans. Elles sont belles et joyeuses, pauvres et
prometteuses. Les enfants sont là, préparant leur avenir comme une fleur au
printemps ; le printemps de l’espoir, un risque à prendre ; le
printemps de l’avenir, une envie de vivre à connaître ; un printemps avec
de l’eau douce et pure !
Je
vous embrasse toutes et toutes qui avez pris le cœur et le temps de vivre ces
moments que j’ai eu bonheur à vous écrire, ou plutôt à vous décrire !
Avec
mes pensées les plus chaleureuses.
Martial
pour ECOLES DE LA TERRE
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