Cela
fera bientôt 10 ans que nous soutenons des enfants dans les îles des Sundarbans
sous l’égide d’ "Ecoles de la Terre Welfare Society" [ci-après
EDLT WS]. Je profiterai de rappeler qu’EDLT WS est l’organisation pendante de
notre ONG à Genève qui s’appelle, comme vous le savez tous, également
"Ecoles de la Terre" ;
nous pourrions appeler cette dernière "Ecoles de la Terre Association Genève" [EDLT
AG]. Qu’est-ce que je viens vous enquiquiner avec ces expressions et autres abréviations ! C’est bon
j’arrête !
Parmi
nos écoles des
îles, l’une d’entre elles, Purba Bhubaneswari, a même été construite et
inaugurée par nos soins il y a de cela 12 ans, en 2003. Tout d'abord gérée par
l’organisation de Calcutta CRDS [Children Rights Development Service], nous
l’avons prise sous notre aile en 2010, CRDS ayant depuis cessé ses activités dans les
îles.
Ce
sont 5 écoles réparties sur 5 îles différentes que nous soutenons à
bras-le-corps. Elles accueillent un peu plus de 1200 enfants. Nombre d’entre
vous les connaissent déjà, puisque chaque année j’ai le bonheur de vous en
parler, de rappeler leur existence,
leurs caractéristiques ; de relever les mouvements, les progrès réalisés,
les entreprises envisagées, d’autres plans mis en œuvre ou alors les projets
déjà atteints. En d’autres termes, c’est plutôt de l’évolution de notre action sur le terrain dont nous souhaitons vous entretenir.
Ces
écoles, je les ai visitées à plusieurs reprises, comme chaque année. L’école de
Srifaltala
est la plus proche de la petite ville de Raidighi, où nous avons notre centre
pour l’Etat du Bengale.
Celle
de Purba Jata se situe sur l’île de Jata que l’on peut atteindre
par la terre grâce à la construction d’un pont qui la relie à Raidighi depuis quelques années déjà.
Quant
à notre école de Naba Kishalay, elle se trouve sur l’île de Kultali, dans le
village de Sonatikari. Nous nous y rendons par bateau, un service continu
d’allées et venues étant assuré durant toute la journée.
Nos
deux autres établissements scolaires se trouvent sur les îles les plus
lointaines. Elles ont pour noms, Purba Bhubaneswari, sur l’île de Bhubaneswari et Ramar Patshala sur l’île de Ganga Sagar. Pour ces deux écoles, il
faut bien compter une grosse journée pour pouvoir les visiter et passer un
moment avec les enfants. J’ai donc choisi à plusieurs reprises la solution d’y
passer des nuits, chez l’habitant, afin de pouvoir disposer d'un peu plus de temps.
Le
moment est venu de rappeler ici une question que me posait, il y a quelques
jours de cela, Kalendra Pratup Singh que je rencontrais à Bodhgaya dans le
Bihar. Kalendra est journaliste au "Jainik Jagran", un quotidien lu
dans tout l’Etat du Bihar [plus de 100 millions d’habitants ; Wikipédia en
annonce 104 millions]. Il me disait ceci ; « après toutes ces années passées à
travailler pour l’éducation, comment peux-tu évaluer le résultat de ton travail » ?
Dans un premier temps, j’avais
senti dans ses propos comme une pointe d’ironie, un soupçon de doute quant à la
pertinence et la portée d’une action missionnaire, au sens laïc du terme bien
entendu, telle que la nôtre ! Je m’étais sans aucun doute trompé, n’étant
pas toujours apte à distinguer la bonne de la mauvaise critique.
Oui,
car bien souvent nous essuyons des critiques qui ne
nous laissent pas indifférents. Selon qu’elles viennent d’Europe ou d’ici même
en Inde, elles n’ont bien sûr pas la même saveur. Dans les deux cas elles
peuvent nous blesser ou alors nous remettre sur pied ; tout dépend de leur
degré de sournoiserie, de perfidie ou de mensonge. Les 1ères sont du type
" pourquoi ne t’occupes-tu pas pas des enfants de ton pays, il n’y a pas
assez de misère ici, tu te donnes de la peine perdue, tu n’y arriveras jamais, le
gouvernement ne fait pas son travail, etc … ", les 2èmes ont plutôt
trait à l’indifférence, l’inappétence, l’impiété ou le mépris ; elles se
caractérisent par le silence, l’ignorance de la chose vécue. Ceci étant, ces
deux genres de remarques se recoupent parfois.
J’avais
finalement compris le sens de la question de Kalendra ; elle n’avait pas
une once de mépris ; elle avait plutôt le goût de la prudence ou de la
circonspection. Je pris donc l’exemple des Sundarbans puisque
je revenais à Bodhgaya, tout frais de mon séjour dans les îles sauvages ; j’y ajoutais bien sûr
mon expérience du Bihar vieille de plus de 15 ans puisque je m'y trouvais.
Je
lui dis donc que « nous travaillons dans des endroits tellement isolés que
personne ne souhaite s’y rendre. Si nous entreprenons des actions en faveur des
enfants et leurs familles, c’est à leur demande et d’un commun accord que nous démarrons un programme.
J'ajoute que depuis
le temps que nous sommes sur place, nous pouvons en effet mesurer l’étendue de notre action.
Les élèves sont devenus adultes et ont pu entreprendre de véritables démarches
professionnelles ; certains sont en études supérieures, d'autres dans des hautes
écoles ou à l’université ; d’autres sont devenus enseignants dans nos
propres écoles. Les jeunes filles ayant suivi la filière de l’apprentissage ont
ouvert leur propre atelier, en ville ou dans leur village.
Et
puis je lui rappelle qu'il y a les
actions conjuguées. Notre travail s’inscrit dans un effort qui marie
l’action d’éducation, de formation et de santé aux incidences sociales et
économiques qui peuvent toucher les communautés concernées. C’est pour cela que
notre programme "santé & hygiène" fonctionne depuis les premiers
jours, que notre plan de construction de stations de purification d’eau a vu le
jour ; c’est encore pour cette raison que notre programme de "micro
crédit" rencontre un si grand succès auprès des mères de famille, que les
petites entreprises ont proliféré dans des dizaines de villages aux Sundarbans
et au Bihar » ; telle fut en résumé ma réponse à la question de
Kalendra.
Soutenir
l’exercice du
droit à l’éducation, à la santé et à une vie domestique décente ne
représente rien d’autre qu’un droit universel, apolitique, areligieux ; il
n’est assujetti à aucune frontière, ni aucun dogme qu’une quelconque morale
voudrait bien imposer.
Mes
Chères Amies,
mes Chers Amis,
je vous remercie de votre soutien ; je me tiens à votre disposition,
aujourd’hui, demain, pour poursuivre avec vous ce panel de causerie et/ou de
controverse. Je vous envoie de Jaisalmer, dans le Rajasthan, où je viens de me
poser pour quelques semaines, mes pensées les plus chaleureuses ; en
espérant que le printemps vous a rendu visite. Amitiés.
Martial
Salamolard
Pour
ECOLES DE LA TERRE
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