Mon arrivée à
Bodhgaya en fin d’après-midi du dimanche 10 avril ne me laissait à peine
présager la chaude semaine, au propre comme au figuré, que j’allais vivre dans
cette région du district de Gaya, au Bihar. À vrai dire je chicote un peu,
sachant très bien qu’une fois arrivé où que ce soit chez « Ecoles de la
Terre India », je ne tiendrai pas en place très longtemps. La
preuve !
LUNDI
11 AVRIL – Je prends la
direction de l’école de Saraswati, au village de Pacchhati ou Rajesh Kumar, le
responsable de notre branche Bihar, a organisé un apetissant événement. À
l’occasion du décret de Sir Nittish Kumar, « Chief Minister » de
l’Etat du Bihar, officialisant dès le 1er avril, ce n’est pas un
poisson, la fermeture de tous les débits d’alcool de l’Etat, Ecoles de la Terre
allait marquer cette circonstance en organisant une fête où étaient invités
quelques notables du district et nombre de familles de la région, dont
principalement des mères.
J’ai pu constater
les jours qui suivirent mon arrivée ici, que l’environnement de Bodhgaya était
plus calme que par le passé. Le préjudice causé par l’alcool depuis la
prolifération des « wine shop » comme on les appelle ici, a fait bien
des ravages dans les familles de la région, et cela plus particulièrement dans
les villages. Les mères venues en nombre à notre fête ne savaient pas comment
extérioriser leur contentement. Bref la lune, je vous dirai simplement que
« l’eau ferrugineuse » n’a plus droit de cité au Bihar ! Compte
tenu des circonstances qui ne laissaient aucune place à la modération, cet
événement représente pour nous une victoire sur l’ignorance et l’exagération.
MARDI
12 AVRIL – C’est ma première
journée de visite d’écoles. Je suis tout heureux tôt le matin, de retrouver les
enfants de Sujata School au village de Baiju Bigha. Ouverte au printemps il y a
15 ans de cela, combien de fois ai-je eu ce bonheur de les revoir après
des mois d’absence ! C’est un moment qui me donne l’envie de faire une
génuflexion, un agenouillement pour dire merci à la Vie ! Dans ces
instants-là, la vie devient mon « Dieu » ; je dis
« Re-bonjour » aux grands, je dis « Enchanté » aux tout
petits fraîchement arrivés à l’école ! Vous ici ? Quel bonheur !
Peu après, j’ai
juste le temps de me rendre à Saraswati School, au village de Pacchhati [distant
de quelques 3 kilomètres de Baiju Bigha] où j’allais la veille pour la fête de
l’abstinence. Ce fut bien sûr un autre moment de rencontre intense ; quoi
de plus naturel lorsque vous revisitez un monde d’enfants ! Saraswati
[School], du nom de la déesse indienne des arts et de l’éducation, est une
école de village, Pacchhati, périphérique à la ville de Bodhgaya. Vous quittez
la ville et parcourrez à pied à peine un kilomètre, et tout devient différent.
Vous quittez un endroit touristique pour vous trouver en pleine ruralité !
Saraswati School, c’est un demi-millier d’élèves que nous soutenons depuis
bientôt 10 ans !
MERCREDI
13 AVRIL – En voilà une
grosse journée à battre la campagne et retrouver nos trois écoles de Camijuli,
Bandha et Manjibigha ! Ce trio d’écoles, et bien c’est une sacrée belle
histoire ! C’est une suite d’heureuses péripéties de plus de 15 années qui
commença par la construction de Camijuli, dans le village d’Itra, pour recevoir
les enfants d’une petite quinzaine de villages alentours. Nous pensions pouvoir
recevoir 250 enfants dans notre premier bâtiment en 2001. Quatre cents se
présentèrent ; nous décidâmes de tous les recevoir ! Les années
passèrent et des centaines d’autres enfants arrivèrent ; nous les avons
tous acceptés !
Les années passant,
les villages augmentant, alors forcément les enfants affluèrent encore et
encore ! Les plus petits [ceux des classes enfantines et de degré 1] ayant de
plus en plus de kilomètres à parcourir pour atteindre l’école de Camijuli,
alors nous vint l’idée d’ouvrir une, puis deux petites succursales pour assurer
le démarrage de leur scolarité et ainsi décharger le nombre d’élèves de l’école
centrale, Camijuli. D’où la création de l’école de Bandha et celle de
Manjibigha. Aujourd’hui, les familles les plus pauvres de tous ces villages
nous envoient leurs enfants dans ce trio d’écoles. Ils représentent un bon
millier d’élèves.
Camijuli, c’est
l’école-maison mère qui assure l’enseignement jusqu’au niveau de classe 10, un
niveau respectable correspondant à nos cycles d’écoles primaire et
secondaire ! Et puis, cerise sur le cartable, nous recevons en ce moment
l’autorisation du gouvernement pour assurer l’enseignement aux classes de
collège, soit les niveaux 11, 12 et 13 ! Nous pourrons ainsi offrir à
cette région rurale le cursus d’éducation complet, jusqu’à l’entrée à
l’université ou en haute école spécialisée.
Et puis il y a
Bandha, notre première succursale avec ses tout petits qui vivent à l’ouest de
Camijuli. Manjibigha, c’est la deuxième avec ses tout petits qui se situe à
l’est de Camijuli. Nous pensons bien sûr aux enfants du nord et du sud de
Camijuli ; le projet est à l’étude ! Toujours est-il que les
retrouvailles avec toute cette merveilleuse marmaille furent comme une sorte de
« feu d’artifice » dont je ne se lasse jamais ! Pardi, depuis le
temps !
JEUDI
14 AVRIL – C’était la visite
de l’école de Jolibigha, au village de Nain Bigha, la plus lointaine, une quarantaine
de kilomètres à travers la campagne du district de Gaya. Plus d’un demi
milliers d’enfants m’attendaient, tous rassemblés dans la grande cour de
l’école.
Il y avait pour
l’occasion un événement particulier à fêter ! Celui de la naissance de
Bhimrao Ramji Ambedkar, le 14 avril 1891, mort en 1956, leader « Harrijan
- Intouchable », homme politique, juriste et co-rédacteur de la constitution
indienne ; et, nouvelle cerise sur le cartable, grand défenseur de l’école
pour tous ; un homme dont la pensée me fait chavirer d’optimisme pour le
futur de l’Inde, voire pour toute l’humanité ! Je vivais dans ce préau de
Jolibigha un heureux paradoxe de l’Inde profonde, un paradoxe de plus qui vous
donne l’espérance en tout état de cause, en toute circonstance, à tout moment,
partout, toujours ; évidemment, je suis en Inde ; c’est pour ça aussi
que je suis là ; concrètement c’est pour les enfants !
VENDREDI
15 AVRIL – Ce fut une halte de mi semaine bien tardive pour faire
le point, trafiquer un peu de bureautique, faire une peu de lessive et vivre
quelques rencontres au bureau central d’Ecoles de la Terre Bihar ! Vous
parlez d’un jour de repos ! C’est un peu comme les coureurs du jour de
France qui se farcissent une centaine de kilomètres, histoire de ne perdre la
main ou le mollet ! Mais c’était quand même bien sympa de pouvoir ainsi
marquer son territoire sur un peu moins d’un kilomètre carré !
SAMEDI
16 AVRIL – C’était écrit que
je ne pouvais pas manquer d’aller voir nos belles apprenties de notre Centre d’apprentissage
de Rudraksha et leurs sympathiques monitrices. C’est un simple rappel pour un bon nombre d’entre vous, que nous nous
efforçons depuis bien des années d’étendre notre soutien à la formation en
apprentissage pour les jeunes filles du Bihar ; expérience que nous allons
étendre, cette année encore, au Bengale et au Rajasthan.
Samedi est le jour
où les deux groupes d’apprenties du Centre de formation de Rudraksha, dans le
village de Baiju Bigha, se retrouvent
ensemble pour partager et échanger leurs expériences et leurs travaux de
la semaine. Toutes les filles travaillent et partagent ainsi leurs acquis et
leurs connaissances. Ce fut bien un merveilleux moment que je vécus là, jusqu’à
me donner l’impression de m’asseoir sur un rebord du monde et contempler cette
fresque vie, bien là, bien présente, bien réelle ! Un moment de pur
bonheur qui vous donne l’envie d’en faire encore plus, encore mieux !
DIMANCHE
17 AVRIL – Cette fois la
cerise fut posée sur le gâteau d’eau ; pourquoi le gâteau d’eau ? Je
vous le dirai un peu plus loin ! La cerise fut jusque-là déposée sur le
cartable des enfants ! Ce dimanche c’était le jour des enseignants, tous invités,
ils étaient près de 80, à l’école de Saraswati au village de Pacchhati, pour
leur examen annuel ! 15 questions, 12 courtes et 3 longues ; toutes
en rapport avec leur dernier séminaire de « formation de formateurs »
auquel ils avaient participé il y quelques mois ! Durée, 90 minutes !
Les résultats seront délivrés le 28 avril 2016, avant-veille de mon départ du
Bihar pour Delhi.
Le 28 avril prochain
sera donc l’occasion de nous rencontrer une nouvelle fois pour faire le point
sur notre mission, celle de marier job professionnel et sacerdoce social ;
le mariage du gâteau d’eau à la figure de l’arbre ! Depuis plusieurs
années, je présente à nos enseignants la fresque selon laquelle nos élèves sont
des arbres et eux sont l’eau qui les fait vivre et croître ! Chaque année ils me disent qu’ils aiment
cette image ! Le 28 avril prochain nous parlerons de ces arbres à soigner
précieusement et de la bonne eau à leur donner absolument !
Avec en prime
l’adage « Oh Pédagogie mon Amour ! », j’envoie à Vous Toutes et
Tous mes chaudes et affectueuses pensées !
Martial Salamolard
pour ECOLES DE LA TERRE
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